Tadej comme Fausto, Jacques, ou Eddy
A croire que depuis Paris, la vision de l’histoire du cyclisme soit considérée par le petit bout de la lorgnette. Et que tout nouveau champion soit obligatoirement suspect s’il n’est pas français. Pathétique et injuste. Surtout au pays de l’Affaire Festina.
T u verras Salvatore, ce Tadej Pogacar est du calibre des plus grands. Il roule et il grimpe comme un avion. C’est bien simple, il me rappelle Anquetil ou Merckx au même âge. Souviens toi de ce nom. Pogacar ! »
Évidemment j’avais souri devant les affirmations d’Ernesto. Et j’avais ramené notre discussion sur les spécificités du nouveau joyau de la marque au trèfle, le V3 rs. Le félicitant pour avoir préservé le choix du type de freinage sans imposer le sacro-saint disque qu’il avait pourtant été le premier à proposer sur un vélo de route.
Quelques mois plus tard, le Tour de France, reporté du 29 aout au 20 septembre pour cause de pandémie, voyait s’imposer Tadej Pogacar à l’issue d’un contre la montre d’anthologie.
« Un feu de paille ! Un coup de chance incroyable ! Encore une étoile filante ! Roglic s’est fait avoir… »
« Un Slovène, vous imaginez… »
Pogacar qui aime la France et rêve de venir y passer des vacances en famille, ne comprend pas. Et au fond il s’en moque un peu alors que partout les louanges pleuvent qui le comparent déjà aux plus grands. D’ailleurs il ne songe déjà qu’aux JO de Tokyo où il va se classer « seulement » 3ème après avoir marqué le final de l’épreuve par une attaque dévastatrice et avoir laissé partir Carapaz pour cause de marquage avec Van Aert.
C’est sa mère, adorable et francophone, qui s’insurge à sa place.
« Que savent-ils de mon fils tous ces gens qui l’insultent. Que connaissent-ils de notre vie et des sacrifices consentis par Tadej qui dès ses débuts dans le cyclisme a réalisé des prodiges. »
Ernesto Colnago, philosophe et bougon, invoque une ignorance crasse de l’histoire du cyclisme. Et il rappelle avec justesse que les plus grands se sont toujours révélés jeunes.
« Un super champion comme un grand artiste, ne se fabrique pas. C’est la nature qui le dote de capacités hors-normes qui lui, permettent d’être supérieur aux autres. Dans le vélo comme dans la littérature, la peinture ou la musique. La nature ne nous faits pas égaux. Et dans le domaine du vélo on ne manque pas d’exemples de surdoués devenus d’immenses champions. A commencer par Eddy Merckx. Tu crois qu’il a attendu 25 ou 26 ans pour se révéler ? A 19 ans il était déjà Champion du Monde ! »