2021 ou la querelle des anciens et des modernes

par | Mar 12, 2021 | Editos

À l’image de l’année 1960 et du passage de témoin entre la glorieuse génération Coppi et la faramineuse génération Anquetil. À l’image aussi de l’année 1966 et du passage de témoin du tandem Anquetil Poulidor à celui constitué par Merckx et Gimondi. À l’image encore du choc Hinault Indurain… voici 2021, la saison ligne de partage entre les anciens et les modernes.

Coppi a su passer le témoin

Poupou l’avait prévu, lui qui annonçait avec émotion et enthousiasme que son petit-fils Mathieu serait un champion. Grand père du prodige et prodigue Mathieu Van der Poel, le meilleur ennemi de Jacques Anquetil ne s’est évidemment pas trompé. En bon auvergnat capable de détecter la bête de choix dès ses premiers pas dans le pré, Raymond le magnifique avait compris l’incroyable potentiel de son petit-fils dès ses premiers tours de roue dans les sentiers boueux dévolus au cyclo-cross et au VTT.

Nibali quant à lui, avait raison de se méfier de cette vague affolante de nouveaux venus. A commencer par ce Pogacar venu de l’Est pour piétiner les plates-bandes dorées des juniors italiens. Tadej le lumineux explosant l’adversité lors d’un Tour de France d’anthologie. Avec pour faire taire les soupçonneux et les besogneux des performances ahurissantes aussi bien dans les ascensions que dans les chronos.

Relégué aux confins de la mémoire du geste et de l’ennui, Froome le sombre est d’ores et déjà effacé par un page exotique formé dans son propre château. Ce jeune Bernal venu de la lointaine Colombie pour gravir les plus hauts sommets européens la fleur au fusil. Et qu’importe l’arme proposée, Egan l’impudent ne choisissant que le classique freinage à patins.

Patrick Lefevere, toujours aussi sententieux, entend imposer un nouveau rebelle dans le camp des géants de la route. Un guerrier arrogant et jeune qui fait de la provocation son arme fatale. Au risque de se laisser griser peut-être. Et de chuter après avoir défié un peu imprudemment le vieux virtuose Nibali dans une descente italienne. N’est-ce pas Remco ?

Tadej Pogačar
Mathieu Van der Poel

Reste les royaumes de France, de Belgique et d’Italie. Avec leurs trois chevaliers sans peur. Alpahilippe, Van Aert et Ganna. Trois prodiges de courage et de classe qui ne connaissent ni la peur ni le doute. Leur graal c’est l’attaque à outrance. Et la victoire ! De quoi reléguer les Bardet, Pinot, Gilbert, Nibali au rang de comparses nostalgiques…

Alors que le cyclisme est redevenu le sport roi, alors que la pandémie de Covid pourrait finalement s’estomper devant la généralisation des vaccins, la saison 2021 doit signifier un inévitable et salutaire changement de génération. Les modernes poussant inéluctablement les anciens vers la retraite. Même si un certain Rebellin n’en finit plus de repousser l’âge de la retraite.

De quoi faire sourire le grand Michele Bartoli, inoubliable condottierere des classiques à qui l’on doit la découverte de Bernal et la formation d’une nouvelle génération de champions italiens.

« Rebellin est l’archétype de cette génération de vieux champions qui ne peuvent se résoudre à quitter le peloton. Comme ces vieux artistes qui n’en finissent plus de faire leurs adieux. Pathétique selon moi. D’autant que la nouvelle génération est sans doute la plus talentueuse que l’on ait connu depuis longtemps. »

Share This