Pantani Forever !

par | Mai 30, 2021 | Actualité

A l’issue d’un scrutin internet ayant rassemblé plus d’un million de votants, nos confrères de La Gazzetta dello Sport ont attribué à l’inoubliable Pirate de la Mercatone-Bianchi, le Trophée des 90 ans de maillot rose. C’est Urbano Cairo, dirigeant de RCS, qui a remis la prestigieuse distinction à Tonina Pantani, la mère du champion. Une mamma émue aux larmes de voir son fils devancer le Campionissimo Fausto Coppi dans le cœur des tifosi.
pantani

T out au long de la route du Giro, les banderoles à l’effigie mélancolique de Marco Pantani fleurissent chaque année. Comme une litanie romantique destinée à magnifier le souvenir d’un champion unique ayant su donner spectacle, amour et passion aux passionnés de cyclisme héroïque. Rappel amer à l’heure de l’uniformisation du peloton et du marketing obscène.

Les « Pantani vive » ou « Pirata forever » viennent ainsi rythmer la rencontre entre la course et l’histoire, entre les coureurs et le paysage. Comme autant de messages de dévotion nostalgique à ces champions poètes qui ont fait de l’histoire du sport cycliste une épopée humaniste ayant inspiré journalistes, écrivains et artistes.

A l’occasion des 90 ans de la maglia rosa, l’organisateur RCS a décidé de lancer un scrutin populaire sur le net pour attribuer un très symbolique Trophée du champion ayant le plus marqué l’histoire du Giro. Sur l’ensemble des porteurs de la maglia rosa, une première sélection a laissé en lice 32 noms. Parmi lesquels deux Français, Jacques Anquetil et Bernard Hinault.

Un peu plus d’un million de votants plus tard, succès phénoménal qui en dit long sur l’attachement du public au cyclisme, les 4 demi-finalistes étaient Fausto Coppi, Eddy Merckx, Alberto Contador et …Marco Pantani.

En finale le Pirate a devancé de peu le Campionissimo. Une surprise évidemment. Mais aussi la confirmation d’un attachement profond du public aux héros maudits.

Pour rappel, le Pirate n’a gagné qu’un seul Giro, en 1998. Contre cinq pour le Campionissimo. Et cinq également pour Merckx. Contador pour sa part ayant remporté deux victoires en terre italienne. Ce n’est donc pas le seul palmarès qui aura été pris en compte par les votants. Mais d’abord le souvenir des exploits spectaculaires réalisés par un Pantani écrivant à coups de pédale les chapitres mirifiques d’une épopée.
Un bandana en guise de panache blanc, des boucles d’oreille et une silhouette mince et juvénile qu’il s’attachera à vieillir en portant bouc et moustache. Marco Pantani ne faisait rien comme les autres. Pas plus dans son look que dans sa position à vélo. Abordant systématiquement les cols avec les mains en bas du guidon et poussant des braquets démesurés avec l’élégance d’un Jacques Anquetil dans les chronos. Capable de développer 400 watts durant 40 minutes lors de l’ascension d’un col, le fils de Cesenatico fut le premier depuis Luis Ocana à faire des différences impressionnantes dans la montagne. Attaquant dès la première ascension afin de creuser des écarts définitifs sur ses adversaires. Attaquant et réattaquant si fort qu’il était le seul à devoir freiner dans les virages en côte. Pas d’autre tactique chez lui que de grimper toujours plus vite sans jamais se retourner. De crucifier littéralement des opposants du calibre de Jalabert, Berzin, Ulrich, Zulle, Leblanc, Gotti ou Tonkov. Éparpillant au passage leurs équipes. Établi lors de l’édition 1995 du Tour de France, son incroyable record de l’Alpe d’Huez tient toujours. 36 minutes et 40 secondes !

Naturellement les éternels insatisfaits, ceux qui ne croient pas à l’inégalité physique entre le commun des coureurs et les champions, évoqueront une autre époque et d’autres mœurs. Il leur suffirait pourtant de consulter les fiches morphologiques de Pantani et Coppi. 36 pulsations au repos pour Marco. 32 pour Fausto. Rapport poids puissance de 6,8 watts pour Marco. 6,7 pour Fausto. Rythme cardiaque de 172 lors des échappées en montagne pour Marco. Avec possibilité d’aller jusqu’à 190 lors des démarrages.

En fait le seul doute qui subsiste vraiment encore aujourd’hui, concerne la saison 1999. Archi-dominant sur les routes escarpées du Giro, Pantani était sur le point de remporter avec panache son second Giro d’affilée. Lorsqu’il fut exclu de la course au départ de Madonna di Campiglio pour un test hématocrite non conforme. Sa domination était telle qu’il était alors en tête des trois classements. Le classement par points, le classement de la montagne et naturellement le classement général. Son mentor, le commendatore Salvatore Grimaldi, faisait déjà travailler ses collaborateurs de Bianchi pour préparer un nouveau vélo hyper light pour le Tour où il devrait affronter l’Américain Lance Armstrong. Vu sa supériorité en montagne, le Pirate aurait été difficile à battre. Et l’histoire aurait changé. Même si on ne réécrit pas l’histoire…

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