EDITO
La mort aux trousses – Chutes sur le Tour de France
« Chute ! Chute ! Chute !! » Dans les voitures des directeurs sportifs, les cris d’alerte de Radio Tour retentissent comme autant d’aveux d’impuissance devant une situation de plus en plus chaotique et périlleuse. Situation d’autant plus improbable et inacceptable qu’elle a pour cadre la plus grande course cycliste au monde.
Chaotique par des parcours d’arrivées tracés en dépit du plus élémentaire bon sens dans des centres villes toujours plus tarabiscotés et parsemés d’obstacles, de ralentisseurs ou de mobiliers urbains.
Périlleuse par des fins d’étapes empruntant trop souvent désormais des voies étroites, voire des chemins, où la cohabitation entre spectateurs, coureurs et suiveurs devient de plus en plus aléatoire.
Pathétiques images alors. Chris Froome le maudit, à terre suite à un ralentissement brutal du peloton suivi d’une chute collective. Philippe Gilbert, la main ensanglantée après une énième chute massive. Robert Gesink contraint à l’abandon. Tony Martin, Geraint Thomas, Arnaud Démare, Bryan Coquard, Tadej Pogacar ou Primoz Roglic, victimes à divers titres de l’hécatombe.
Coup de gueule justifié de Marc Madiot. Réponses gênées d’une organisation qui semble dépassées par des enjeux financiers autrefois reprochés au Giro ou à la Vuelta. Car au-delà du contexte sportif, il faut songer aux retombées financières générées par les droits exigés des villes étapes. Une manne sonnante et trébuchante qui fait du Tour une source de revenus et de profits hallucinante permettant désormais à la société du Tour de France d’avoir la main sur nombre d’autres épreuves. Courses à étapes d’une semaine ou classiques. Sans parler évidemment de la sacro-sainte grand-messe cyclo constituée par l’inimaginable étape du Tour.
Quelques voix se sont élevées pour dénoncer le manque d’habileté ou d’agilité des nouvelles générations de coureurs. Avec les écarts impromptus, les hésitations et les freinages intempestifs mis en avant. Possible évidemment. La formation des jeunes n’ayant plus rien à voir avec celle des anciens qui passaient l’hiver sur les pistes ou dans les sous-bois et qui débutaient leur saison par d’interminables séances de pignon fixe. Mais pas vraiment recevable lorsque l’on parle d’un Peter Sagan, d’un Arnaud Démare, d’un Bryan Coquard, d’une Cadel Ewan, tous virtuoses du vélo et capables de maitriser leurs machines dans les pires conditions.
Troisième d’un sprint qu’il aurait pu remporter, Nacer Bouhanni expliquera avoir senti le vent de la catastrophe. Évitant la chute par miracle, comme Julian Alaphippe qui avouait son soulagement et sa peur rétrospective.
Alors, simples faits de course comme le disent certains ? Ou plutôt, ainsi que l’affirme Marc Madiot, une conjonction d’irresponsabilités de la part des organisateurs et des structures fédérales ? Oreillettes à l’utilisation périlleuse, public mal contenu, circuits trop étroits et sinueux, zones d’arrivées inadaptées à la vitesse et à la masse d’un peloton lancé dans le sprint final, manque d’écoute des coureurs et de leur encadrement…
Pourquoi pas, par exemple, faire comme en F1 ou en Moto GP en demandant à une commission de coureurs de venir approuver ou non les circuits d’arrivées ?
Une idée parmi d’autres. Mais surtout des pistes à évaluer avant que le drame ne survienne.
Encore une fois Marc Madiot a raison. Le peloton a la mort aux trousses.