Les Champions des Champions

Felice Gimondi

par | Avr 21, 2020 | Les champions des champions

Vainqueur l’année précédente du Tour de l’avenir, le jeune italien Felice Gimondi s’impose dans le Tour de France 1965. Il a triomphé avec classe et panache d’un Raymond Poulidor qui pensait avoir enfin le champ libre puisque Jacques Anquetil n’était pas cette fois au départ. Douloureuse surprise pour le public français. Magnifique nouvelle pour les tifosi qui attendaient sans trop y croire un successeur au Campionissimo. Dès cette première saison professionnelle, le jeune Bergamasque au maillot céleste Salvarani est devenu pour eux le Messie. D’autant qu’il court avec attaché à la cheville une cordelette de chanvre trouvée dans une grotte miraculeuse.

Le messie

Même si des champions du calibre de Baldini, Balmanion ou Nencini ont pris la relève, l’Italie des années soixante est toujours en deuil de son Campionissimo. C’est dire si l’avènement d’un jeune prodige durant la saison 1965 apparaît comme un don du ciel pour un peuple toujours en quête de héros romantiques et charismatiques. Ce héros c’est Felice Gimondi. Visage christique, élégance d’un autre temps, capacités athlétiques exceptionnelles, il remporte le Tour de France pour ses grands débuts professionnels au sein de la mythique équipe Salvarani. Un Tour pourtant promis à Raymond Poulidor, le chéri du public français.
Supérieur en montagne et dans le contre la montre, remarquablement intelligent, tacticien hors pair et guerrier à sang froid, Felice cristallise très vite l’enthousiasme des tifosi qui voient en lui rien moins que le nouveau Coppi.

Même si un jeune Belge nommé Eddy Merckx commence à faire parler de lui en s’imposant dans Milan San Remo, Gimondi confirme dès l’année suivante en triomphant solitaire et glorieux dans Paris Roubaix, la classique des classiques. Il s’adjuge ensuite le Tour de Lombardie et Paris Bruxelles. Mais il s’incline dans le Grand Prix des Nations face à son idole, Jacques Anquetil. Merckx est troisième…Ce Merckx qui va désormais faire partie de sa vie, constituant avec lui un duo d’adversaires irréductibles comme l’ont été Bartali-Coppi et Anquetil-Poulidor.

La saison 1967 marque vraiment l’affirmation du Champion. Après avoir triomphé d’Anquetil sur le Giro (victoire dénoncée par Maitre Jacques qui s’estime victime d’un complot de l’organisateur, complot confirmé sur son lit de mort en 2012 par le Directeur-adjoint de l’épreuve), Felice Gimondi s’impose comme le nouveau roi du chrono en s’adjugeant coup sur coup le Grand Prix des Nations et le Grand Prix de Lugano.
En 1968 il s’empare enfin du maillot tricolore de Champion d’Italie. « Mon plus beau maillot », me confiera-t-il à plusieurs reprises. Et il s’adjuge le Tour d’Espagne, devenant ainsi le seul athlète avec Jacques Anquetil à avoir gagné les trois grands tours. Même si Merckx, Hinault, Contador, Nibali et Froome suivront, l’exploit est de taille. Il symbolise le talent et place à jamais l’Italien au pinacle du sport cycliste.

Photos : Sirotti

En fin de saison il confirme son statut de rouleur d’exception en remportant une nouvelle fois le Grand Prix des Nations. Puis en gagnant le prestigieux Trophée Baracchi associé à Jacques Anquetil avec lequel il s’est réconcilié.

Désormais les saisons s’enchainent au rythme des victoires de prestige. Sur le Giro encore à deux reprises, dans le Tour de Lombardie, Dans Paris Bruxelles, dans Milan San Remo où il s’impose ceint du maillot arc en ciel de Champion du Monde décroché l’année précédente face à Merckx, Maertens et Ocana. Mais les choses ne sont pas si simples face à Eddy Merckx, devenu Cannibale, qui s’est affirmé comme le nouveau roi du peloton international. Leurs styles sont à l’opposé. Élégance et classe anquetilienne pour Gimondi. Force inexorable et guerre totale pour Merckx dont les épaules marquent la mesure du temps.
Leurs palmarès ne sont pas vraiment comparables par les chiffres ou la densité, mais ils le sont par l’éclectisme et la capacité à triompher sur tous les terrains. Quoiqu’adversaires, les deux hommes ne seront jamais ennemis. Et Merckx sera l’un des premiers à saluer la mémoire de son ami Felice alors que l’on annonce son décès le 16 aout 1979 à l’âge de 76 ans.

Devenu l’homme image de Bianchi, son constructeur de toujours, Gimondi promenait partout dans le Monde sa silhouette mince d’éternel jeune homme. Confiant aux journalistes qui l’interrogeaient inlassablement, que l’on ne peut rien face au destin. Un destin pour lui incarné par Eddy Merckx.

« Le destin est inéluctable. On ne peut rien contre lui. Même si rien n’interdit de tenter. Moi j’ai toujours voulu tenter. Je ne me suis jamais rendu. Et quelquefois j’ai triomphé. Pas toujours. Mais quelquefois. J’en suis heureux ».
Modeste jusqu’à l’orgueil, Felice Gimondi…

S.L.
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