Il faut sauver les groupes mécaniques !
Depuis une dizaine d’années déjà les constructeurs ont décidé de faire table rase du passé, ou plutôt de l’histoire et sans doute aussi du plaisir, en adoptant massivement les groupes électroniques pour leurs nouveaux vélos. Avec le paradoxe existentiel qui consiste pour nombre de cyclos à faire le choix d’un groupe électronique entrée ou milieu de gamme en lieu et place d’un groupe mécanique haut de gamme. Un choix qui pénalise logiquement leurs vélos par son surpoids et sa complexité. Sans parler évidemment de l’esthétique et du ressenti. Naturellement le fonctionnement est très bon, rapide et précis, là n’est pas la question.
Parlee Z-Zero
Pour se faire une idée plus précise de ce bonheur tactile, il suffit de faire le parallèle entre les groupes mécaniques et leur « clac » caractéristique, avec l’horlogerie ou l’automobile.
Un temps dépassées par l’irruption du quartz, les montres mécaniques font leur grand retour sur un marché désormais pléthorique. Afficher à son poignet une merveille de l’horlogerie mécanique n’est pas seulement une façon de se distinguer. Mais surtout de donner la priorité à l’authentique et au manuel face à l’arrogance mièvre de la production de masse. Et puis quel plaisir de sentir vivre un mécanisme de manufacture. De pousser chaque jour le remontoir cranté pour redonner puissance et capacité à ces merveilleux instruments de mesure du temps, hors du temps.
Même chose avec l’univers automobile qui succombe à la vague de l’automatisme et de la gestion électronique des rapports. Avec là aussi un étonnant retour à l’essentiel sensoriel comme le signifie la décision de marques comme Porsche ou Aston Martin de proposer à nouveau des versions mécaniques de leurs boites de vitesse. Les amateurs se sont rendu compte que les fameuses et ultra efficaces boites à double embrayage les coupaient des sensations de leur automobile. Car, un changement de vitesse en 200 milliseconde est-il vraiment plus important que le plaisir et la satisfaction d’un double débrayage ou d’un talon pointe réussi ?
« Le passage sur le gros plateau lors d’une attaque et la descente de vitesse qui s’en suit, le mouvement de la main qui commande cela à tout du geste d’art, s’il est réussi à la perfection. »
Origine Axxome II RS
Et pour en revenir au vélo qui nous intéresse, le passage sur le gros plateau lors d’une attaque et la descente de vitesse qui s’en suit, le mouvement de la main qui commande cela à tout du geste d’art, s’il est réussi à la perfection.
À chaque fois il ne s’agit pas de nier la modernité, fut-elle plus efficace, plus rapide et guidée, mais bien d’en revenir aux sources du plaisir. De ce plaisir insigne et originel qui donne sens à notre désir de dépassement au guidon d’une machine élégante, légère et simplissime. Cette simplicité qui ne serait en somme que le côté lumineux de la quête d’un bonheur imaginé avant que d’être vécu. Et au fond la source du plaisir se retrouve-t-elle dans le gain de quelques centièmes de secondes sur un changement de vitesse ?
Le mouvement Zenith El Primero crée en 1969 continue de faire rêver les passionnés de haute horlogerie.
En Formule 1 aujourd’hui cette notion de plaisir est obsolète. L’électronique a littéralement coupé le pilote de sa machine et gommé ses capacités de pilotage. Anti-patinage, gestion de la puissance, tactique même, le pilote est devenu un robot évoluant dans un gigantesque jeu vidéo. Au nom de l’efficacité, seulement.
Oubliée l’époque pas si lointaine où le seul talent permettait à un Alain Prost, un Ayrton Senna, un René Arnoux, un Gilles Villeneuve ou un Niki Lauda de maitriser les 1000 ou 1200 chevaux de leurs moteurs, sans aucune assistance.
Le cyclisme n’en est heureusement pas encore à ce paroxysme. Même si la sacro-sainte oreillette sévit avec son cortège d’ordres et de contre ordres donnés aux coureurs par des directeurs sportifs omniprésents depuis leurs voitures suiveuses.
Une bonne raison pour résister au prétexte moderniste et sauvegarder ces merveilleux et si romantiques groupes mécaniques. Seuls composants nous permettant encore de demeurer en contact sensoriel et existentiel avec notre vélo. La radicalité du geste en prime !