Consommer Local ?
MMarcel Pagnol, académicien et passionné de cyclisme (Il était fan de Bartali et de Bobet), faisait dire à l’un de ses personnages « Il faut cultiver de Lotentique ». Version pagnolesque et tendre de cet authentique recherché désormais par les tenants des vraies valeurs. Qu’il s’agisse d’agriculture, de technologie ou de… sport.
Alors qu’un récent sondage démontre que près de 80% des Français expriment leur désir de consommer local, où en est le marché du cycle ? Et quels enseignements doit-on tirer du fait que plus des deux tiers des ventes de vélos et d’accessoires cyclistes concernent des productions pour l’essentiel asiatiques ?
Les amateurs français de sport cycliste seraient-t-ils atteints de cette « énantiodromie » (du grec enantios contraire et dromos course) que décrivent fort bien les spécialistes de la psychologie inversée lorsqu’ils évoquent la très contemporaine confusion des idées et du sens ?
Même si le marché du cycle explose littéralement depuis 2020 et l’angoissante pandémie de Covid 19, il est pour l’essentiel encore l’apanage du marketing anglo-saxon qui fait (sans rire) prendre à l’acheteur passionné des vessies pour des lanternes. L’immense majorité des marques américaines qui écrasent non pas les prix (au contraire) mais le marché, n’ayant d’américain que leur logo. 99% de leurs vélos provenant directement de Taïwan, de Chine ou même désormais du Vietnam. Fabrication et montage. Emballage aussi avec des milliers de conteneurs sillonnant les mers emplis des machines rêvées par nos cyclosportifs. Bonjour l’empreinte carbone évidemment.
Que font alors les constructeurs européens ? À commencer par les Français…
Globalement, ils font comme les autres. Faisant fabriquer l’essentiel de leurs vélos en Asie et pire encore les équipant de groupes et d’accessoires eux aussi asiatiques.
Non, le problème est d’ordre éthique.
Pourquoi prétendre proposer une machine américaine en réalité 100% asiatique ? Pourquoi mettre en avant la spécificité de telle ou telle marque italienne prestigieuse alors que ses superbes machines sont à 100% asiatiques ?
Il y a là un théâtre d’ombre qui ressemble à s’y méprendre à de la manipulation marketing. Une manipulation qui dure et donc les victimes ne semblent ni se préoccuper ni se plaindre.
D’autant plus étrange et absurde que les incroyables gains réalisés sur le coût de fabrication ne sont en rien bénéfiques pour le consommateur qui se voit de plus en plus présenter des additions pharaoniques sous le fallacieux prétextes d’inimaginables avancées technologiques. À croire que de plus 10% de rendement en plus 10% d’efficacité aéro, on va bientôt en arriver aux fatidiques et « coluchiens » plus 100% de rendement.
Faut-il en rire ou en pleurer ? Ou faut-il finalement adapter son discours (79% d’entre nous déclarant vouloir désormais consommer local) et choisir de choisir en passant outre le marketing ?
Des solutions alternatives existent. Notamment en France avec Heroïn, Victoire, Bertin, Maison Tamboite, Cyfac, Le Vacon, MV 1897, Kerautret ou même désormais Dilecta qui fait son grand retour. Et il y a aussi naturellement l’Italie avec Colnago (pour son sublimissime C 64), De Rosa (pour ses aciers et titanes), Passoni, Basso entre autres.
Il faut aussi évoquer le cas des constructeurs diffusant leurs productions sur le net. Origine en France et Canyon en Allemagne. Ces deux marques concevant leurs cadres qui sont ensuite fabriqués à Taïwan par les meilleurs ingénieurs carbone internationaux. La peinture (pour Origine) et le montage étant 100% réalisés dans les ateliers maison.
Et là restera le choix du montage… Asiatique ou Européen.